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Vague de dénonciation des
violences sexuelles au Québec

Depuis le mois de juillet, une nouvelle vague de dénonciation d’agressions à caractère sexuel déferle sur les réseaux sociaux au Québec. Ce mouvement vise à briser le silence des personnes victimes et prône un changement profond des systèmes en place qui permettent trop souvent aux actes de violence sexuelle d’être commis en toute impunité.

 

Les motivations des personnes victimes

Selon l’étude « Témoigner en ligne de son agression à caractère sexuel : fiches pour l’intervention » menée par l’UQAM en collaboration avec le RQCALACS et le collectif Je Suis Indestructible (JSI), chaque personne victime de violence sexuelle a des raisons bien à elle de témoigner en ligne. Cela dit, bien que les motivations diffèrent d’une personne à l’autre, nous retrouvons deux principales catégories de motivations : personnelles et sociales. La première catégorie est caractérisée par le désir de libérer sa parole, de poser un premier geste, de briser la solitude, de chercher de l’aide et du soutien et de s’exprimer dans un espace jugé sécuritaire. Les motivations sociales sont quant à elles liées au désir de se mobiliser afin de changer les mentalités et de lutter contre la culture du viol, de se rallier à un mouvement social déclenché par les mots-clics (#metoo), d’éviter que son agresseur ne s’en prenne à d’autres victimes ou encore d’aider d’autres personnes à partager leurs expériences.

 

Les bénéfices du témoignage en ligne

Les principaux bénéfices du témoignage en ligne sont divisés en 4 catégories distinctes : individuels, relationnels, informationnels et collectifs. Les bénéfices individuels sont nombreux : nommer la souffrance, stimuler la mémoire, obtenir de l’aide, briser l’isolement, réécrire son histoire et dénoncer son agresseur. Les bénéfices relationnels permettent de redéfinir les relations avec son entourage, d’identifier les personnes sur qui on peut compter et d’obtenir du soutien de ses proches. Les bénéfices informationnels se rapportent à la possibilité d’amasser de l’information générale sur les agressions sexuelles telle que le processus judiciaire, les ressources disponibles ou autre. Finalement, les bénéfices collectifs sont caractérisés par l’action de s’inscrire dans une mobilisation collective et de dénoncer collectivement un agresseur.

 

Les risques du témoignage en ligne

Malgré les nombreux bénéfices énumérés ci-dessus, dénoncer une agression sexuelle sur Internet comporte aussi son lot de risques. En effet, un dévoilement peut entraîner des réactions négatives (passivité, insultes, menaces) de la part de l’entourage de la personne victime ainsi que des internautes. La permanence des traces numériques n’est pas non plus à négliger, puisqu’un futur employeur, un procureur de la Couronne ou toute autre personne pourrait lire la dénonciation des années plus tard. 

 

Les enjeux juridiques

Dans la vidéo « Témoigner de son agression à caractère sexuel sur les médias sociaux : quels enjeux pour les victimes? », Rachel Chagnon, professeure au département des sciences juridiques et directrice de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) de l’UQAM indique que la dénonciation d’une agression sexuelle en ligne comporte deux écueils principaux. D’entrée de jeu, si la victime décide de porter plainte contre son agresseur après avoir effectué un témoignage en ligne, il y a un risque que ce témoignage se retourne contre elle et compromette sa crédibilité lors d’un procès en matière criminelle. « La crédibilité du témoin est évaluée par sa capacité à se rappeler du passé d’une manière efficace et sûre. Si on démultiplie les témoignages et que l’on retrouve des récits qui diffèrent d’un témoignage à l’autre, le procureur de la défense peut utiliser ça contre nous pour démontrer que notre mémoire n’est pas fiable, voire même qu’on ment. »

 

Un autre enjeu juridique est celui de se faire poursuivre pour diffamation si la victime nomme son agresseur lors de son témoignage en ligne. Michael Lessard, avocat et doctorant en droit à l’Université de Toronto, considère que ce risque est beaucoup plus faible. Dans son article « Le droit protège-t-il la réputation des agresseurs ? », il affirme que « les agresseurs menacent souvent de poursuivre les dénonciatrices afin de les faire taire. Or, comme nous le voyons, une mise en demeure est plus vite envoyée qu’un procès en diffamation n’est gagné ». Selon M. Lessard, trois éléments juridiques jouent en faveur des personnes victimes. Premièrement, elles ont le droit fondamental à la liberté d’expression selon la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés. Un certain niveau d’atteinte à la réputation est donc toléré en raison de la liberté d’expression. Deuxièmement, celui qui poursuit la victime devra prouver l’existence de diffamation. Il devra donc démontrer que la dénonciation est fausse ou que la victime n’avait pas de « justes motifs », c’est-à-dire « une information d’intérêt public, une critique, une caricature, et le tout dans les limites de la raisonnabilité ». Troisièmement, si la personne victime réussit à prouver l’agression durant le procès en diffamation, elle peut faire une demande reconventionnelle et réclamer une indemnisation financière importante.

 

L’impact concret sur l’intervention médicosociale en centre désigné

Durant une intervention médicosociale, il est maintenant plus que jamais possible qu’une personne victime vous parle de son intention de dévoiler son agression sexuelle en ligne. Afin de guider la victime dans ce processus, nous vous suggérons trois pistes d’intervention. Premièrement, aidez la personne victime à comprendre le besoin derrière son désir de témoigner sur Internet et les émotions qui y sont associées. Explorez ses attentes et ses motivations. Deuxièmement, discutez des paramètres du témoignage qui conviennent à la personne victime : choix de la plateforme de diffusion et du format, désir d’anonymat ou non. Finalement, abordez avec la personne victime la question des bénéfices et des facteurs de risque et écoutez ses préoccupations. Pour vous préparer à l’éventualité d’une telle intervention, vous pouvez consulter la Grille de questions pour préparer/guider le témoignage en ligne à la page 11 du document Témoigner de son agression à caractère sexuel sur Internet : fiches pour l’intervention.

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