Coup de chapeau: Zosia Anders
— Partager l’expertise et mettre de l’avant l’initiative d’une équipe ou d’un individu œuvrant en centre désigné —
Zosia Anders est une travailleuse sociale en psychiatrie au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). De 2016 à 2017, elle a effectué son stage de maîtrise en travail social auprès de l’équipe du Centre pour les victimes d’agression sexuelle de Montréal (CVASM) dans le centre désigné du CLSC Métro, situé à Montréal.
Dans le cadre de son stage, Zosia a créé un outil à remettre aux personnes victimes d’agression sexuelle à la fin d’une interventionmédicosociale. Intitulé « Mon aide-mémoire et outil de bien-être », il permet de faciliter la transition entre l’intervention médicosociale
initiale et le suivi clinique. Il sert de guide auquel la victime peut se référer dans les jours et semaines à venir pour l’aider à mieux comprendre ce qui a été fait lors de sa visite au centre désigné et les prochaines étapes qui suivront.
D’où est née l’idée de créer cet outil?
J’ai commencé en observant des interventions médicosociales menées par mes collègues et en discutant avec elles. J’ai ensuite fait une séance de brainstorming pour entendre leurs observations sur l’intervention médicosociale en tant que telle et sur son potentiel d’amélioration. Puis, après avoir parlé avec les victimes, j’ai identifié un besoin. Parce que les interventions sont longues et souvent en plein milieu de la nuit, que les victimes sont épuisées et que leur mémoire à court terme est affectée en raison de l’état de choc, je me suis dit qu’il n’y avait aucune chance qu’elles retiennent la montagne d’informations qui leur était livrée. À la fin de l’intervention, les intervenantes donnaient aux victimes une grosse enveloppe brune avec plein de photocopies. Ce n’était pas idéal parce que c’était de l’information très technique et que visuellement les documents n’étaient pas très attrayants et pas tout le temps bien lisibles. Je me suis dit qu’on pourrait moderniser et mieux résumer ça pour avoir quelque chose de plus concis.
Je me suis alors concentrée sur la transition entre la fin de l’intervention, le congé et le retour au quotidien. Dans ma maîtrise, j’ai utilisé l’approche féministe intersectionnelle visant à favoriser une reprise de pouvoir et de contrôle sur l’agression. Pour moi, ça passait par un accès à l’information afin que les victimes puissent faire des choix éclairés par la suite. C’est là que je me suis dit qu’un outil écrit pourrait aider à atteindre cet objectif en donnant aux victimes de l’information sur leur santé, les démarches juridiques à leur portée, les rendez-vous qui s’en viennent, les différents tests qu’elles ont faits et à quoi a servi tout ça.
Parlez-nous d’un défi important que vous avez rencontré lors de l’élaboration de cet outil.
Consulter la plus grande diversité de victimes possible. Parce que c’est un milieu de travail qui est imprévisible, je ne savais pas d’emblée quel allait être mon échantillon. Il fallait que j’attende que des personnes se présentent en centre désigné. Avec le recul, j’aurais souhaité pouvoir rencontrer encore plus de monde et avoir un échantillon plus grand pour avoir un portrait encore plus net et précis de leurs besoins à cette étape-là de l’intervention. Il y a différentes communautés qui font appel aux centres désignés : hommes, femmes, LGBTQ+, etc., et l’échantillon que j’ai recueilli n’était pas représentatif de tout le monde.
Aussi, le fait que l’outil soit rédigé en anglais et en français, d’emblée, ça ne s’adresse pas à tout le monde. Quelqu’un qui n’a pas accès à ces deux langues-là n’a donc pas accès à l’outil. Je me disais que, dans un pays de licorne, on pourrait le faire traduire en espagnol, mandarin, cri, etc., mais que c’est un point de départ et que l’outil pourrait être développé dans d’autres langues par la suite.
Quels sont les facteurs de réussite qui ont contribué à la création de cet outil?
J’avais une équipe ouverte, expérimentée, aidante, collaborative, désireuse de mettre en place un projet clinique et qui voyait le potentiel de pérennité de l’outil. Je pense que de solliciter une graphiste a aussi fait une énorme différence. Moi, quand j’ai initialement monté l’outil, je l’avais fait dans Word avec des images copiées collées. Ce n’était pas très beau.
Quels résultats positifs avez-vous observés après l’implantation de l’outil?
Les intervenantes trouvaient que ça facilitait le processus de fin d’intervention. J’avais l’impression que c’était rassurant pour elles et que ça atténuait la peur d’oublier de donner certaines informations. Coralie Labelle, intervenante d’urgence au CVASM, confirme : « Comme intervenante, c’est très aidant d’avoir un support visuel pour expliquer où se rendre, comment communiquer avec nous et quelle sera la suite. (…) au moment de l’intervention d’urgence, ça aide à regrouper les informations et à tout donner dans un outil compact et complet. »
Si cette expérience était à refaire, que feriez-vous différemment?
Si j’avais eu la même affirmation à l’époque que celle que j’ai maintenant, j’aurais aimé parler à toute l’équipe interdisciplinaire et avoir une discussion avec les médecins et les infirmières pour recueillir leurs impressions sur la fin de l’intervention. J’aurais aussi sollicité l’équipe d’intervenantes davantage. Je pense qu’elles auraient pu être mises à contribution encore plus dans le développement de l’outil. Elles sont tellement occupées et ce sont souvent des personnes qui ont un autre emploi à temps plein ou qui travaillent de nuit, donc on se voyait aux réunions, mais on ne se croisait pas beaucoup. Il y aurait peut-être eu moyen de monter un questionnaire et faire une mini recherche auprès des intervenantes, parallèlement à mes recherches auprès des victimes d’agression sexuelle.
Si un membre d’une équipe médicosociale d’une autre région souhaite s’inspirer de votre outil pour implanter quelque chose de semblable dans son centre désigné, quel conseil lui donneriez-vous?
Fonce. Je pense qu’il ne faut pas hésiter. On est tellement dans le tourbillon de nos fonctions cliniques qui sont extrêmement prenantes que le côté développement de la pratique est parfois mis de côté. Les occasions de développer un outil sont rares; je pense qu’il faut les saisir quand elles se présentent. C’est super important de prendre le temps d’y donner suite, parce que ça contribue à améliorer la pratique et qu’ultimement, les victimes sont gagnantes!
Pour visionner l’outil « Mon aide-mémoire et outil de bien-être », cliquez ici.
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