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La chronique du pro: Maryse Mathieu

— Entrevue avec un expert de l'intervention médicosocial en centre désigné —

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Maryse Mathieu est infirmière au CIUSSS de la Capitale-Nationale et assume plusieurs autres responsabilités : elle est conseillère-cadre en soins infirmiers, chef de l’équipe provinciale de rédaction des protocoles Info-Santé et co-responsable de la garde infirmière régionale pour les trousses médicolégales.

Il existait déjà un service médicolégal pour les victimes d’agressions sexuelles, mais il n’incluait pas les infirmières dans la prestation de ces services. En 2016, l’équipe médicale avait besoin de soutien et de ressource pour assurer les gardes dans la région de Québec. Le CIUSS de la Capitale Nationale a été interpellé et a implanté

un projet pour collaborer avec l’équipe pour le maintien et l’amélioration de ces services. Une équipe d’infirmière de garde a été créer, disponible 24h/7j, en collaboration avec l’équipe médicale et Viol-Secours et ainsi avoir une équipe à trois : médicale, infirmière, psychosociale pour offrir un service médicolégal. 

Qu’est-ce qui vous a encouragée à devenir infirmière?  


C’est le sentiment de faire quelque chose pour quelqu’un au moment où il en a vraiment besoin. C’est un des sentiments les plus valorisants qui existent. Le point de départ est là. Après, bien sûr, ma vision a beaucoup évolué. C’est aussi d’offrir un service holistique, un service qui prend en compte tous les aspects des besoins de la personne, parce que c’est un peu ça, le rôle de l’infirmière; c’est très large. Si on ne prend pas en compte toutes les dimensions de la personne, on ne peut pas atteindre les objectifs thérapeutiques.

Parlez-nous d’un défi professionnel auquel vous avez eu à faire face au cours de votre carrière en centre désigné.

Organiser tout le service pour qu’il soit pleinement efficace : pour les victimes, pour les professionnels, pour les partenaires. C’était un très grand défi. Il ne s’agissait pas juste d’intégrer des infirmières qui soient là pour tenir le matériel quand le médecin manquait de bras; il fallait vraiment trouver une façon de profiter des compétences de tous les professionnels de la meilleure manière pour que ce soit bénéfique pour les victimes. Ça a été un très grand défi. Notre travail a donné de beaux résultats.


On a élargi l’offre de service : on accueille maintenant les hommes, les personnes trans. Nous avons aussi une plus grande rapidité dans la prestation du service lorsque nous avons des demandes des victimes. On a élargi les types de services offerts : contraception, vaccination, immunologie, ITSS.


Aussi, j’ai fait des gardes en tant qu’infirmière. Il y a des victimes qui ont des parcours de vie qui nous touchent plus que d’autres. C’est un défi d’intervenir dans ces contextes-là, car les difficultés que ces victimes subissent vont complètement à l’encontre de mes valeurs comme travailleuse de la santé.

Après avoir effectué une intervention médicosociale difficile auprès d’une personne victime d’agression sexuelle, quel est votre moyen favori pour décompresser ou vous changer les idées?

 

C’est sûr qu’il est important d’en parler avec ses collègues. On fait des débriefings immédiats, mais on a aussi des rencontres d’équipe avec toutes les infirmières, de quatre à cinq fois par année, où un moment est alloué pour discuter des différents types de cas de manière générale.


C’est important de ne pas garder ça pour soi, de ne pas ruminer les difficultés qu’on a vécues. C’est thérapeutique et formateur d’échanger avec nos collègues, car nous vivons tous des situations tellement différentes. « J’ai fait ça de telle façon. J’aurais pu faire ça autrement. J’aurais pu gérer ça d’une autre façon. »


En travaillant en équipe, on peut s’améliorer et profiter des expériences des autres. Des situations particulières arrivent parfois rarement, donc on gagne à entendre l’expérience des autres.

Qu’est-ce qui vous motive à continuer de travailler auprès des personnes victimes d’agression sexuelle?

C’est un service qui est vraiment essentiel.


C’est motivant aussi de voir qu’à Québec, on a réussi à créer quelque chose qui est bénéfique pour les victimes, même si ce n’est pas parfait – il y a encore des éléments à améliorer. En peu de temps, deux trois ans, nous avons amélioré les services rapidement et de manière substantielle.


C’est motivant de voir ce que l’on peut faire dans la région et d’offrir des conseils aux autres régions qui souhaitent aussi améliorer ces services. Certaines régions font vraiment face à des situations qui leur sont particulières et, sans dire que nous sommes un exemple à suivre, nous avons exploré plusieurs pistes de solution qui sont transférables et qui peuvent être inspirantes pour le réseau de la santé partout dans la province.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un commençant à effectuer des interventions médicosociales dans un centre désigné?  

 

Ne pas se décourager. Ça peut prendre plusieurs mois avant de se sentir à l’aise. Ne pas hésiter à demander du soutien, autant clinique que psychosocial.


Il y a certaines situations qui peuvent être très bouleversantes, et ce ne sont pas les mêmes pour tout le monde.


C’est un travail très exigeant, au-delà des heures et de l’horaire. On est exposé à des traumatismes. Il ne faut pas prendre ça à la légère et il faut s’entourer d’une bonne équipe.

Sur une note plus personnelle

 

Les derniers bons livres qu’elle a lus :

Ces temps-ci, j’initie ma fille d’âge préscolaire à la lecture. Nous aimons beaucoup les livres de l’autrice québécoise Élise Gravel. Elle nous transporte dans un univers avec des yeux d’enfant.

Le dernier bon film qu’elle a vu :

Je ne regarde pas beaucoup de films, mais je suis une fan de la série historique The Crown.

Sa chanson préférée :

El arado de Victor Jara. C’est une chanson sur l’espoir, tellement magnifique...

Sa citation préférée :

Il y a quelques années, j’accompagnais, comme guide et traductrice, un groupe qui faisait un séjour de tourisme solidaire au Nicaragua. Nous marchions dans une plantation de café, à flanc de montagne. Au milieu des arbres, j’ai aperçu cette citation sur une arche en bois :

« Soñar con lo imposible. Buscar lo desconocido. Alcanzar la grandeza. »

Je ne connais malheureusement pas l’auteur!

(Traduction : "Rêver de l’impossible. Chercher l’inconnu. Atteindre la grandeur.")

La destination voyage qui la fait rêver :

Traverser l’Asie en train, de Saint-Pétersbourg à Pékin, à bord du mythique Transsibérien.

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